Réflexions et pensées de Me CHINEN Hanshi
Le 28/12/2023
En cette fin d’année 2023 qui a été riche humainement et propice à la réflexion sur les arts martiaux d’Okinawa, je voulais conclure avec un texte de Sensei CHINEN Hanshi, mon maître depuis 1987 (“Il tempo vola…” comme le chantait si bien Antonello Venditti dans son succès “Alta Marea“), qui m’a inspiré dès le début de apprentissage et qui, aujourd’hui, continue à me faire réfléchir, non seulement sur ma pratique, mais aussi sur moi-même.
Je vous invite donc de nouveau à la lecture et la réflexion, pour que votre pratique soit en harmonie avec la voie du Budo d’Okinawa ! Je vous souhaite de très bonnes fêtes de fin d’années.
Le “KATA”, ancré dans la tradition d’Okinawa, intègre encore aujourd’hui de nombreux objets du quotidien. Cependant, une réflexion approfondie s’avère nécessaire sur un aspect crucial : l’évolution du matériel et l’invention des armes sont le fruit d’efforts considérables depuis les temps anciens. Par conséquent, la tendance actuelle à percevoir le “KOBUDO” comme un simple divertissement sportif est dénuée de sens.
Le passage du temps ne devrait pas nous empêcher d’apprécier la passion et la vocation authentique des inventeurs de ces arts. Prenons l’exemple du “NUNCHAKU”, invention risquée de l’époque, qui perdure et se diversifie avec l’ensemble de l’arsenal martial. Le “KOBUDO” authentique ne peut être réduit à une version simplifiée et accessible, telle que souvent présentée dans les écoles modernes. Ces dernières, dans leur quête de facilité et de prestige, enseignent à travers le monde le respect de la vie, malgré l’abondance consumériste.
Cela conduit à un esprit naïf et contemporain qui, souvent, oublie l’essentiel : l’essence même de l’esprit humain, pur et universel. Cet esprit, ancré dans des traditions séculaires, mérite notre reconnaissance et notre compréhension profonde.
CHINEN Kenyu, 1986, Le Kobudo d’Okinawa
Dans ce texte, Me CHINEN nous rappelle l’importance de l’Esprit dans la pratique des arts martiaux d’Okinawa, avec deux dimensions importantes que sont le respect et l’humilité. La pratique ne peut être “vraie” sans le respect du Maître, du lieu (le Dojo), des Sempai et de la technique qui a été transmise de Maîtres à Disciples durant des siècles. Nous devons mettre notre coeur dans toute chose comme nous devons mettre notre coeur dans notre pratique, dans chaque mouvement, dans chaque technique car c’est la seule voie pour être dans l’authenticité et la vérité. Maître CHINEN m’a très souvent parlé lors de nos nombreuses et longues discussions sur les arts martiaux d’Okinawa, de l’attitude. Toutes les choses de la vie et les entraînements en particulier dépendent entièrement de notre attitude car la seule chose que nous pouvons contrôler est : “soi-même”. Face aux techniques martiales créées, développées et transmises par les maîtres du passé au péril de leurs vies, comme le souligne parfaitement Maître CHINEN, nous devons être humble, à la fois dans nos paroles et dans notre comportement. Notre attitude doit être similaire à l’épi de blé mûr, plus nous sommes expérimentés, plus nous devons courber la tête (proverbe d’Okinawa).
Cette quête de vérité, comme le souligne Maître CHINEN, est un voyage continu, qui dépasse les limites du dojo. Elle se retrouve dans la sincérité de nos paroles, la profondeur de nos rencontres et l’intégrité de notre pratique. La vraie pratique des arts martiaux, ainsi, est un miroir de notre vie : elle reflète non seulement ce que nous faisons sur le tatami, mais aussi comment nous nous engageons dans le monde. En cultivant une attitude d’humilité et de respect, nous nous ouvrons non seulement à l’apprentissage continu dans l’art, mais également à une compréhension plus profonde de nous-mêmes et de notre rôle dans la société.
Dans ce voyage, chaque rencontre, chaque échange de parole, chaque mouvement pratiqué devient une opportunité de découvrir une facette de cette vérité. Et peut-être, le plus grand enseignement que nous puissions tirer de l’héritage de Maître CHINEN et des maîtres d’Okinawa est que la vérité ne se trouve pas dans une destination finale, mais dans le parcours lui-même – un parcours d’apprentissage constant, de croissance personnelle, et d’engagement authentique avec le monde qui nous entoure. Ainsi, la vérité ultime des arts martiaux réside peut-être dans notre capacité à rester éternellement étudiants, humbles et ouverts à l’infini potentiel de chaque moment présent.
Thierry MICHEL